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VOUS AVEZ DIT NAUSÉEUX ?

VOUS AVEZ DIT NAUSÉEUX ?

Par Audrey lecoufle et Emeline Lesecq-Lambre

Vous avez un réflexe nauséeux qui arrive en planifiant votre prochain RDV chez le dentiste ? En repensant à l’assiette de langue de bœuf que Mamie Micheline vous préparait le dimanche et qu’il fallait manger à tout prix ? Ou encore lorsque le médecin vous titille le fond de la gorge avec l’abaisse-langue pour voir vos amygdales ?

Mais parle-t-on à chaque fois de la même chose ; du même réflexe nauséeux ? Dans ces différents exemples pourtant, aucun aliment n’a franchi le seuil de vos lèvres, aucune odeur n’a été sentie, et vous n’avez même pas été confronté à la vue de nourriture. Or, on parle bien dans ces différents cas de figure de « réflexe nauséeux ». La notion de réflexe « hyper-nauséeux » est encore extrêmement liée, dans notre profession d’orthophoniste, à la notion d’« hypersensibilité  sensorielle», avec cet unique angle de vue comme lecture.

Alors qu’est-ce donc que ce nauséeux, ou plutôt ces nauséeux ? En quoi peuvent-ils gêner la prise alimentaire et notamment la mastication ?

Le réflexe nauséeux est un réflexe physiologique présent dès la naissance, persistant tout au long de la vie. Son but premier est de protéger les voies aériennes et digestives supérieures de l’ingestion de corps étrangers perçus comme impropres à la consommation. Grâce à l’investissement oral progressif du bébé, entrainant ainsi une habituation corticale, ce reflexe nauséeux va s’atténuer, permettant ainsi la diversification alimentaire (Chevalier & Garcia, 2012). Progressivement, à partir d’expériences sensori-motrices positives via la mise en bouche spontanée ou guidée d’objets (hochets de dentition, jeux divers…) ou de parties du corps, l’enfant va moduler ses réponses sensori-motrices. La modulation du réflexe nauséeux dépend de trois sortes de facteurs : les facteurs génétiques, les facteurs environnementaux et les facteurs de développement de l’enfant. Nous ne pouvons pas agir sur ces 3 facteurs, seuls les facteurs environnementaux et développementaux sont accessibles à la prise en soin globale.

Le réflexe nauséeux peut être déclenché grâce à des stimuli de différentes natures, et ne se résume donc pas seulement à la stimulation tactile intra-buccale (Eachempati et al., 2019). Ah ! Intéressant de voir que ce nauséeux n’est pas seulement la réponse exacerbée à une stimulation sensorielle alimentaire ou non alimentaire ! 

Pour certaines personnes, le réflexe nauséeux peut devenir exagéré et invalidant dans la vie quotidienne, que ce soit pour les soins médicaux (soins et hygiène dentaires…) ou l’alimentation par exemple.

En orthophonie, nous sommes souvent confrontés au réflexe nauséeux dans le cadre des troubles alimentaires pédiatriques (Goday et al., 2019), où il peut être l’expression d’une gêne, d’un obstacle organique mais aussi d’un désaccord de l’enfant (manifestation d’un « non »).

Cinq types de stimuli peuvent déclencher un réflexe nauséeux : acoustique, olfactif/gustatif, visuel, mécanique (stimulation des zones gâchettes dans la bouche) et psychique (peur, anxiété dû à une expérience précédente) (Eachempati et al., 2019). On comprend donc que ce réflexe nauséeux est plus complexe à identifier que ce que l’on nous a toujours expliqué ! A nous, orthophoniste, de prendre notre loupe de détective pour comprendre, au moment du bilan des troubles alimentaires pédiatriques, quel type de nauséeux décrit notre patient : 

  • A quel moment se manifeste-t-il dans la journée : matin, réveil de sieste, avant le repas, après la déglutition, à la vue de l’assiette ? 
  • A quel moment de la proposition alimentaire : avant, pendant, après ? 
  • Que se passe-t-il suite à ce réflexe nauséeux ? 
  • Est-il accompagné d’autres manifestations physiques : rougeur, yeux qui pleurent, vomissement… ?
  • Quelles adaptations environnementales sont mises en place : les parents arrêtent directement de proposer l’aliment, ils se fâchent, ou encore ils n’y prêtent pas attention ? 
  • Comment l’enfant comprend-il la situation ?

L’idée est de comprendre, par cette anamnèse précise, les modalités d’apparition du réflexe nauséeux, qui peut être le messager de tellement de choses :

  • Appréhension de l’enfant
  • Blocage œsophagien
  • Hyper-réactivité orale
  • Trouble de la modulation sensorielle intra-buccale
  • Mode de communication de l’enfant
  • Moyen d’évacuation du mucus de fond de gorge
  • Trouble oro-moteur

Et oui, un enfant qui présente des difficultés de mastication pourra ainsi avoir un réflexe nauséeux suite à des difficultés oro-motrices, par exemple à force d’essayer de mobiliser le bol alimentaire en bouche sans toutefois y parvenir de façon efficace, son réflexe nauséeux le protègera d’une ingestion fortuite du bolus non mastiqué. Il convient donc de ne pas limiter ce signe clinique à la seule difficulté sensorielle, mais d’aller plus loin dans son évaluation, sa compréhension afin d’ouvrir le champ des possibles et de mieux cerner l’enfant, dans sa globalité.

Connaître le mécanisme du réflexe nauséeux, les causes pouvant le déclencher et les facteurs pouvant intervenir sur celui-ci est donc très important en tant que professionnel de santé afin d’accompagner nos patients de la manière la plus adaptée et précise possible, et afin d’adapter le soin que nous allons proposer. 

Allons creuser les choses pour ne pas nous arrêter à ce qui semble une évidence, ce serait trop facile !

Bibliographie

Chevalier, B. (2019). L’oralité alimentaire. In Le developpement du bébé : De la vie foetale à la marche (p. 219234).

Chevalier, B., & Garcia, M. (2012). Le réflexe nauséeux : bases anatomo-physiologiques dans la prise en charge des troubles de l’oralité.. kineactu, 1296, 1821.

Eachempati, P., Kumbargere Nagraj, S., Kiran Kumar Krishanappa, S., George, R., Soe, H., & Karanth, L. (2019). Management of gag reflex for patients undergoing dental treatment. Cochrane Database of Systematic Reviews, 11. https://doi.org/doi: 10.1002/14651858.CD011116.pub3.

Goday, P. S., Huh, S. Y., Silverman, A., Lukens, C. T., Dodrill, P., Cohen, S. S., Delaney, A. L., Feuling, M. B., Noel, R. J., Gisel, E., Kenzer, A., Kessler, D. B., Kraus de Camargo, O., Browne, J., & Phalen, J. A. (2019). Pediatric Feeding Disorder : Consensus Definition and Conceptual Framework. Journal of Pediatric Gastroenterology and Nutrition, 68(1), 124129. https://doi.org/10.1097/MPG.0000000000002188