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Maladie d’Alzheimer : quels ingrédients actifs dans nos prises en soin ?

Maladie d’Alzheimer : quels ingrédients actifs dans nos prises en soin ?

Par So Spitch

Quand vous travaillez avec des patients atteints de maladie d’Alzheimer, vous vous êtes certainement déjà demandée ce qui fait vraiment l’efficacité de vos séances. Au-delà du choix d’un exercice ou d’un support, qu’est-ce qui produit concrètement un changement chez le patient ?

Cet article vous propose un cadre thérapeutique structuré, basé sur les données de la recherche et les principes de neuroplasticité, pour identifier et optimiser les composantes actives de vos interventions auprès de cette population.

Qu’est-ce qu’un ingrédient actif ?

Les ingrédients actifs désignent les composantes spécifiques d’un traitement qui sont supposées produire un changement chez le patient. Attention, il ne s’agit pas seulement du support ou de l’exercice choisi.

Les ingrédients actifs, ce sont toutes les variables qui influencent le processus thérapeutique comme la nature de l’intervention, le dosage et l’intensité, la façon dont on présente les cibles, le type de guidage ou de feedback, la gestion des erreurs, ou encore l’attention qu’on met sur une cible thérapeutique. En d’autres termes, ce sont les éléments que le clinicien met en œuvre de manière intentionnelle pour favoriser un apprentissage ou une stabilisation de compétences, dans un contexte donné.

Pour structurer cette réflexion sur les ingrédients actifs, deux sources solides ont été retenues :

D’abord, la revue de littérature menée par Colliaux, Cattini et Duboisdindien (2021) sur l’efficacité des thérapies lexico-sémantiques auprès de patients présentant une maladie d’Alzheimer à un stade léger à modéré. Ensuite, les principes de neuroplasticité dépendante de l’expérience proposés par Kleim et Jones (2008).

Ces deux sources se rejoignent sur des points essentiels : l’importance de l’apprentissage, de la stimulation ciblée et du rôle actif du patient dans la thérapie.

Trois grands pôles organisent cette réflexion sur les ingrédients actifs en orthophonie auprès des patients atteints de maladie d’Alzheimer :

1️⃣ LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Ce pôle regroupe les fondements transversaux, issus des sciences de la rééducation et des neurosciences, qui soutiennent l’efficacité des interventions orthophoniques.

Le principe de non-utilisation (use it or lose it)

Vous l’avez sans doute déjà constaté en clinique : les circuits neuronaux non sollicités s’altèrent plus rapidement. L’intervention doit donc chercher à maintenir actifs les réseaux encore fonctionnels, même partiellement. Cela implique une stimulation régulière, non seulement en séance (intervention directe), mais aussi dans le quotidien du patient, à domicile ou en institution (intervention indirecte).

Le dosage

La question du dosage est centrale. Quelle fréquence ? Quelle durée ? Quelle intensité ? L’idée est de trouver l’équilibre : une exposition suffisante pour consolider les apprentissages, tout en respectant les capacités attentionnelles et la fatigabilité du patient. Auprès d’une population avec pathologie neurodégénérative, les recommandations évoquent en moyenne 45 minutes par séance, à raison de 2 à 3 séances hebdomadaires, comprenant le travail direct, l’implication de l’entourage et la préparation. Il est également possible de mettre en place des entraînements à la maison afin d’augmenter le dosage nécessaire à l’efficacité sans toutefois imposer un rythme de séances trop lourd.

L’individualisation

L’intervention gagne en efficacité lorsqu’elle est ajustée aux capacités, aux intérêts et aux besoins fonctionnels du patient. Vous pouvez peut-être repenser à un cas clinique où un objectif choisi en lien avec un centre d’intérêt particulier a radicalement changé l’engagement du patient.

La mobilisation de la motivation

Le rôle de l’orthophoniste est aussi d’entretenir la motivation en s’appuyant sur des objectifs fonctionnels liés au quotidien du patient, une compréhension claire du but de la tâche, la métacognition (aider le patient à repérer les stratégies qui fonctionnent pour lui), et la visualisation des progrès, par exemple en comparant des performances ou en valorisant les réussites.

L’écoute et la participation actives

Il est souvent intéressant de prêter attention aux commentaires, initiatives ou réactions du patient, même si elles sortent du cadre prévu. Les prendre en compte contribue à renforcer la coopération et le lien thérapeutique.

2️⃣ LA STRUCTURATION DE LA TÂCHE

Ces ingrédients portent sur la manière dont l’activité est conçue, organisée et présentée au patient pour optimiser l’apprentissage.

La spécificité

Une tâche trop générale finit souvent par diluer ses effets. Cibler une compétence précise, directement reliée à l’objectif thérapeutique, permet d’éviter de « tout travailler en même temps » et donc de mieux mesurer l’impact réel de l’intervention.

La séquenciation des activités

Les activités gagnent en efficacité lorsqu’elles sont décomposées en étapes progressives, dans un ordre logique et croissant en difficulté. Cela donne au patient des repères et facilite la progression.

Le contrôle de la difficulté

Vous pouvez vous demander : comment ajustez-vous le niveau de complexité dans vos séances ? Est-ce par le nombre d’items, la présence de distracteurs, la longueur des stimuli, le type d’indices proposés ? Ces ajustements fins conditionnent la réussite et donc l’engagement du patient.

La répétitivité

L’exposition répétée et enrichie de la cible multiplie les opportunités d’apprentissage. Un même objectif peut être travaillé avec des stimuli variés, des supports différents, des modalités multiples. C’est ce qui augmente les opportunités d’ancrage et de transfert.

Le transfert dans le quotidien

L’activité n’a d’intérêt que si elle a une retombée fonctionnelle dans la vie réelle du patient. Choisir un vocabulaire utile, des tâches écologiques, des consignes transposables, c’est garantir que ce qui est appris en séance puisse trouver sa place dans les routines quotidiennes.

3️⃣ LE SOUTIEN À L’APPRENTISSAGE ET À LA CONSOLIDATION

Ce dernier pôle concerne les actions mises en place pendant l’exécution même de la tâche, pour guider, ajuster et renforcer l’apprentissage.

La démonstration

Montrer explicitement la compétence attendue ou le comportement cible avant la tâche avec une description des étapes facilite l’anticipation, la compréhension des attentes et la réduction de l’incertitude cognitive.

Le modelage

Réaliser soi-même l’action devant le patient offre une forme d’apprentissage par observation, souvent très efficace.

La pratique guidée

Le guidage actif, avec indices et appuis ajustés, favorise la réussite. L’idée est de réduire progressivement l’aide pour tendre vers plus d’autonomie.

L’indiçage peut prendre plusieurs formes :

  • L’indiçage sémantique : utilisation d’un indice pour favoriser l’évocation d’une information antérieurement mémorisée par l’activation des concepts stockés et organisés en réseaux sémantiques (images mentales, hyperonymes et hyponymes, synonymes ou antonymes).
  • L’indiçage phonologique : une aide consistant à fournir l’ébauche phonologique du mot pour faciliter la récupération lexicale.

Le feed-back correctif

Le patient reçoit un retour accompagné d’un modèle correctif, qu’il soit verbal, visuel ou écrit.

Le renforcement

Mettre en avant les réussites, par des félicitations, une reformulation validante ou simplement un regard positif, contribue à entretenir la motivation.

Les technologies et supports sensoriels

L’utilisation de médias, d’images, de sons, de manipulations concrètes peut enrichir la tâche et stimuler plusieurs modalités sensorielles.

La communication multimodale

L’intervention s’appuie sur plusieurs canaux de communication (adapter sa prosodie, accentuer certains mots, ajouter des gestes co-verbaux ou référentiels), ce qui facilite l’accès à l’information et compense les fragilités dans un canal unique.

Comment utiliser ces ingrédients actifs dans votre pratique ?

Ces ingrédients actifs constituent, en quelque sorte, la « substance » thérapeutique de vos interventions. Vous pouvez vous demander, dans vos propres pratiques, lesquels vous mobilisez le plus souvent, lesquels sont peut-être sous-utilisés, et comment les combiner pour renforcer l’efficacité de vos séances.

Ce cadre thérapeutique vous permet d’identifier les leviers sur lesquels vous pouvez agir concrètement pour optimiser vos prises en soin auprès des patients atteints de maladie d’Alzheimer. Il ne s’agit pas d’appliquer tous ces principes simultanément, mais de disposer d’une grille de lecture pour analyser, ajuster et enrichir vos interventions en fonction des besoins spécifiques de chaque patient.

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